vendredi 3 juillet 2015

Une histoire d'amour.

Cent fois que je refais le même geste idiot. Cent fois que je regarde la maudite feuille de papier : date, identification, numéro de dossier, signature, puis, j’étampe. Cent fois que mon bras fais ce geste ridicule : un coup dans l’encre rouge et un bon coup sur la feuille. Bam! Toutes les cent secondes, bam! Criss de vie plate. On m’a menti toute ma vie, toute ma vie un mensonge. Toutes nos vies à chier. On nous avait promis des aventures dans le désert, des glissades sur les lianes de la jungle, des châteaux en forêt, une valse dans l’espace, je ne sais pas moi, quelque chose de grandiose. On nous a dit que toutes les femmes avaient des corps pornographiques et que les hommes étaient tous courageux. Mais je suis lâche et je le sais. L’étampe, elle me donne un bon salaire qui apparaît aux deux semaines dans mon compte chèque, sans stresse; j’ai des assurances qui couvrent les soins dentaires; des vacances pour aller me calciner et m’arracher le foie dans le sud dans un tout inclus infesté de touristes pas de classe; un fond de retraite pour la prendre à soixante ans; assez d’argent pour avoir auto et maison. Je n’ai pas d’enfants, pas de responsabilités, ce qui fait qu’à cinq heures tapant le vendredi je commence la grande défonce, et ce jusqu’au dimanche soir, avec ou sans ma gagne de chums : bière, marijuana, vodka, BBQ, vin, rhum, coke (les deux sortes), porn : Awaye! Défonce là! Montres-y c’est qui qui mène tabarnak! Esti chu brûlé. Des fois je m’en crisserais une dans tête, bam! Étampé en rouge. Au suivant. Dossier classé. 

Je devais connaitre un grand amour, le véritable amour, comme Jasmine et Aladin. Moi le va-nu-pieds et elle la princesse rebelle. Le paumé qui, grâce à l’amour, voit son destin se transformer, passant de l’échec social, condamné par sa caste, pour se retrouver au sommet de l’échelle sociale et du même coup joindre le summum du bonheur et le un-pour-cent royal. Je sais, c’est crissement cliché tout ça, mais je m'en fous. T'aime pas ça: décrisse! Disney et son poison qui te viol tes rêves d’enfant. Moi être à sa place au Aladin, je m’en crisserais pas mal de la Jasmine et je me payerais une pute par jour. Avec tout ce fric, cet or dans les coffres du palais royal, c'est clair. Quand j’ai terminé mes études en gestion, c’est aussi ça qui devait m’arriver. Wolf of Wallstreet. M’enligner des lignes de coke sur le cul des escortes de luxe pendant que le cash s’empilerait dans mon compte en banque; champagne, caviar, voitures exotiques; et la plèbe qui s’empoisonne des miettes qui tombent de ma bouche pleine. Hautes études commerciales mon œil. Je cherche toujours dans le ciel du centre-ville l’édifice qui porte mon nom, quelque chose comme Stark industries ou Wayne entreprises; redoutable homme d’affaires le jour et puissant péteur de gueule la nuit. DSK à la puissance dix. Pas facile d’être en shape de super héro quand on étampe des dossiers huit heures d’affiler. Ma bedaine transpire la prospérité et mon front luit sous l’effort de la masturbation chronique. Mon pénis s’érige en un autel, un monument en l’honneur de ma réussite lorsque je célèbre devant des petites chattes rasées de nymphettes qui auraient l’âge d’être mes filles. C’est sans doute la seule chose d’utile dans l’amour, le sexe gratuit. Récompense ultime pour avoir à endurer tout le reste. Esti que je m’haïs que dit des affaires de même. Mais je suis rendu là. À y croire. L’espoir est mort au moment où j’ai signé mon contrat, vendant mon âme au plus offrant. Bam! Étampé dans le coin. Je voulais joindre les ligues majeures, mais on m’a fait bencher tout le long et je n’ai pas rechigné. Après tout, j’étais payé pareil. Vie facile que je me suis dit. Tout cuit dans le bec. Sauf que de la marde, même gratuite, ça n’a jamais nourri grand monde. 

Je n’ai même pas les couilles de changer tout ça. Sauf qu’aujourd’hui, j’ai décidé de faire quelque chose de constructif pour me sortir du trou. Le loto max est à 50 millions de dollars cette semaine. Avec cinquante-fuckin-millions de dollars je suis pas mal certain que je l’aurais l’amour de ma vie. Mon âme sœur, mon ange. L’amour, ça s’achète en tabarnak à 50 millions de dollars. Fellation à vie. 50 nuances d’abus. Domination sous fond de mascarade. Je ne vois pas pourquoi je me gênerais. Après tout, c’est tout ce qu’on désire. Devenir un prince, le roi de la jungle, la bête dans son château. Et mes sujets qui se prosternent devant moi, découvrant autant de postérieurs à la merci de mes tendances libidineuses, sodomisant sans retenue ces offrandes chaudes et admiratives. Qui ne dit rien consent. La plus belle histoire d’amour.