dimanche 13 avril 2014

Lettre à une idole

Tu étais déjà parti quand j’ai commencé à t’écouter. Je me souviens, c’était à la fin du secondaire, période plus ou moins agréable de ma vie. L’école commençait à me faire vraiment chier. Les maths surtout, quelle horreur! Je n’avais toujours pas découvert la drogue et j’étais incapable d’aller voir les filles, terrorisé, timide et très certainement peu confiant. Je me souviens de ces chaudes nuits blanches d’été où Momo et moi s’envoyait des paquets de canettes de thé glacé super sucré pour rester éveillés, le six packs sur les genoux, comme de vieux alcoolos. À l’école il y en avait quelque uns qui t’avaient connu et certains qui t’avaient même vu lors d’un passage à Montréal, aux Foufounes, je crois! Ça devait être malade! J’aurais tellement aimé te voir en show. Mais comme bien des choses dans la vie, j’étais en retard sur les autres. Malgré tout, tu as changé ma vie et cela ne m’a pas empêché d’aller, moi aussi, m’acheter des t-shirts à 3 pour 25$ (ou était-ce 10$?) au Labyrinthe sur Sainte-Catherine.


J’étais en "retard" sur les autres, c’est vrai, mais on dirait que pour me "rattraper", je faisais toutes les premières expériences en plus intenses. Par exemple, la première fois que j’ai pris de la drogue, c’est avec du champignon magique, j’avais même jamais fumé, ne serait-ce qu’une cigarette. Cette fois-là, j’avais effectivement "vu" la musique. Je ne me souviens pas de ma première brosse, mais apparemment c’était au rhum avec mon cousin, autour d’un baba quand on avait 5 ans. Pour une fois, j’étais précoce. Pis quand je t’ai écouté la première fois, ce n’est pas les succès habituels qui m’ont accroché, ni même leurs excellentes versions acoustiques que tu as enregistrées à New York. Non, je me souviens, j’étais avec Momo, on était allés chez Poiré, LE drogué de Jeanne-Mance. Il paraîtrait qu’il faisait du buvard à la chaîne, que selon la légende, il aurait passé une semaine entière gelé comme une balle grâce aux petits carrés de papier imbibés. Enfin, tout ce que je sais, c’est qu’il avait l’air beaucoup plus vieux que nous et qu’il l’était sûrement, car, dans mon souvenir, il portait déjà une barbe. On entendait toute sorte d’histoires de drogues et de problèmes familiaux à son sujet, toutes plus incroyables les unes que les autres. Je vous rassure tout de suite, je l’ai croisé il y a quelques années, je n’aurais jamais pu le reconnaître; il ne portait plus de barbe. Il m’a reconnu, ce qui m’a grandement surpris d’occuper un espace mémoriel de son cerveau. Il travaillait pour une micro-brasserie et adorait ça. Bref, on était chez lui, ou plutôt chez sa mère, et quand j’ai entendu pour la première fois le rythme ravageur de Territorial Pissings, quelque chose a changé pour toujours. Toute cette énergie, cette vitalité et, quelque part, cette violence. Ça m’a allumé pas à peu près.

Je me suis mis à écouter tous tes albums sans arrêt. Sauf, Bleach que j’écoutais un peu moins, je ne sais pas pourquoi, parce que c’est bon en tabarnak cet album, et je l’écoute en écrivant ces lignes. Mais combien de fois ai-je écouté Nevermind, In Utero et même Incecticide en chantant approximativement les paroles que je ne comprenais pas vraiment et en jouant les accords sur ma guitare aérienne et en sautant dans le salon. Je me souviens que pendant une bonne semaine, à midi tapant, je mettais le volume dans le tapis au son de Smells Like Teen Spirit, aussi ponctuel qu’une église, comme pour annoncer mon éveil au monde et prévenir les fidèles de ma présence. Ma mère ne voulait pas que je t’écoute, elle trouvait que tu étais une mauvaise influence, probablement à cause de ton suicide et de ton mal de vivre apparent qui se lisait sur ton visage lorsque tu chantais en robe d’hôpital. Le monde a eu peur que tu provoques une vague de suicide fanatique. Aujourd’hui, on apprend dans les médias que c’est le contraire qui s’est produit. Et il y a ceux et celles qui prétendent que c’est Courtney qui t’a fait tuer. J’aime mieux ne pas y penser. Cette semaine toi, Krist et Dave, vous avez été intronisés au temple de la renommée du Rock et tu n’étais pas là. C’est ça qui fait le plus chier. 

Si je t’écris aujourd’hui, c’est que je crois que tu as été la figure la plus importante de ma génération et que vingt plus tard, tu es toujours présent. Même si aujourd’hui, toute la rage et la revendication qui émane de ta voix déchirante ne sont plus au diapason avec ce que je ressens, ta musique, elle, l’est plus que jamais. Paradoxalement, elle possède une telle vitalité pure, comme une matière brute, contrairement aux bands actuels, léchés et minutieusement construits autour d’un son étudié et analysé, ta musique semble sortir de tes tripes, dégueulées sans aucun filtre, sans aucune cérébralité, juste un gros fuck you j’existe, fort et puissant. Tu as eu une telle influence sur nos vies et tu as disparu trop tôt, au moment où on avait besoin d’un représentant aussi arrogant que toi, au moment où notre identité était encore à construire, au moment où on avait encore de l’espoir, que le cynisme ne nous avait pas encore atteints. Tu n’as pas arrangé les choses je peux te le dire. Pas facile de se trouver un modèle dans la vie, quand ceux qu’on admire crèvent avant d’avoir trente ans. Je t’ai survécu Kurt, et j’en suis bien heureux. Malgré tout. Allez! Merci pour la musique!

mercredi 9 avril 2014

Rock comme printemps

Le printemps se sera amplement laissé désiré cette année et il est temps de lui rendre hommage. Je vous propose, en cette journée encore froide, mais ensoleillée, une sélection pure rock pour accueillir le bourgeonnement qui ne saurait tarder.



J’imagine ne pas être le seul à vaguer dans les différents styles musicaux par phases aléatoires. Ces temps-ci, j’en ai plutôt marre des claviers Moog et du son froid et aseptisé des rythmes synthétiques des “drum machines”. J’aime sentir que le jeu des membranes vibrantes d’une batterie vienne s’amuser avec celles de mes tympans. J’aime le son à la fois grinçant et chaleureux de la guitare qui gronde avec grâce toute sa rage et son bonheur. Mais ce qui me fait le plus de bien, c’est de m’imaginer un groupe sur scène, des ombres chinoises provoquées par les éclairages brûlants, les cheveux collés au visage par la sueur, leurs instruments usés par les tournées et les excès d’enthousiasme. Une foule qui crie et applaudis à tout rompre, le soleil qui flirt avec l’horizon embrasant le ciel et à la première note gueulée par les haut-parleurs, des centaines de mains s’élèvent dans les airs comme pour toucher la musique ou invoquer un Dieu. 



Et pour vous, le printemps évoque-t-il une musique particulière ?